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Publié le par Abbé Augustin FOKAM

Le Discernement des Esprits


Introduction
Nous lisons dans 1 Cor. 12:8-10 : « À chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun. À l'un, c'est un discours de sagesse qui est donné par l'Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à un autre la foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l'unique Esprit ; à tel autre la puissance d'opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter ». C’est dans ce texte de saint Paul que nous entendons parler du don du discernement des esprits. Ce don peut s’appliquer à tous les autres. De quoi s’agit-il au juste ?

Le don du discernement des esprits : Ce qu’elle est, sa difficulté et sa nécessité
Saint Laurent Justinien réfléchissant sur le discernement des esprits (De Obed. c. 26.), dit que c'est une grâce extrêmement rare, et qui n'est donnée qu'à un très petit nombre de ceux qui ont le cœur humble et l'âme pure, et qui ont été longtemps exercés et éprouvés par diverses tentations. Que sait celui qui n'a point été tenté ? L'homme qui a fait diverses expériences, étendra ses pensées sur plusieurs choses, dit le Sage ( Eccl. 34. 9.). Rien ne rend les hommes plus sages que l'expérience : et un homme qui en est destitué ne saurait pas facilement reconnaître et discerner les opérations du Saint Esprit, ses voies secrètes et cachées, et ses diverses manières d'inviter et d'appeler les hommes, ni les artifices et les ruses de Satan, ni le fond des cœurs, ni autres semblables choses dont le discernement ne consiste pas en une simple connaissance, mais dans la pratique et l'exercice.
Le discernement des esprits est difficile et nécessaire. Mais d’où vient cette difficulté ? Le défaut de ce discernement fait tomber en plusieurs épouvantables fautes. Il est difficile de discerner de quels principes viennent nos instincts et les mouvements de notre âme ; si c'est d'un principe intérieur ou extérieur. Le jugement par lequel on discerne les esprits n'est certain et infaillible que par une expresse révélation de Dieu. Beaucoup de choses sont requises pour discerner les divers esprits par matière d'art. Il y a quelquefois des inspirations obscures et suspectes, dont il est douteux de quel esprit elles procèdent. Que l'Esprit de Dieu cause dans les âmes divers mouvements. Il y a divers langages de Dieu qui nécessite d’être discernés. Ce que nous appelons la vie spirituelle est pleine de secrets. Les voies par lesquelles Dieu appelle et conduit les hommes sont diverses et admirables : et l'homme ne saurait discerner, sans une lumière surnaturelle répandue par celui qui est la Vérité même, si quelqu'un marche dans l'esprit de la vérité. Si personne ne connaît ce qui est Dieu, sinon l'esprit de Dieu même, comme l'enseigne l'Apôtre (1. Cor. 2. I ) : qui sera l'homme qui pourra connaître et discerner les inspirations divines, et entendre cette voix secrète et intérieure de Dieu parlant dans le silence au cœur du fidèle, qui est la Jérusalem spirituelle, où il se plaît d'habiter (Isa. 4. 2.) ? Qui peut pénétrer les secrets du cœur humain ?: Le coeur de l'homme est méchant et impénétrable. Qui le pourra connaître ? Qui peut découvrir, qui peut éviter les tromperies si multipliées, les artifices si variés, les moyens innombrables de nuire, les pièges si ingénieusement cachés, et les filets si propres à nous engager et nous retenir que Satan met incessamment en usage contre nous, vu que cet ennemi, dont la méchanceté est inexplicable, se transforme souvent en ange de lumière pour nous surprendre (2. Cor. 11.14.) ?
JEAN BONA Cardinal, en s’appuyant sur les Saintes Ecritures, souligne que « Satan veut se nourrir de viandes exquises (Hab. 1.16.) : ce qui signifie qu'il s'efforce de séduire et de dévorer ceux qui sont les plus saints. C'est pourquoi ils se doivent tenir soigneusement sur leurs gardes, pour n'en être point circonvenus et surpris. Qui sera capable de faire un discernement exact des divers mouvements de son propre esprit, parmi l'agitation et le tumulte de tant de passions et d'affections différentes, et parmi tant de ténèbres qui nous tiennent en danger d'être trompés? Qui pourra marcher dans un chemin si difficile et si obscur sans aucun achoppement, si nous n'avons personne qui porte un flambeau devant nous pour nous éclairer ? »
Dieu pèse les esprits : et toutes les voies de l'homme sont exposées à ses yeux, dit le Sage (Prov. 16. 2.). Celui qui pèse les vents et qui mesure les eaux, fait seul un jugement et un discernement exact et parfait de toutes choses (Job. 28. 25.). La parole de Dieu, dit l'Apôtre (Heb. 4. 12.), est vive et efficace, et elle perce plus qu'une épée à deux tranchants : elle entre et pénètre jusque dans les replis de l'âme et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans les moelles, et elle discerne des pensées et les mouvements du coeur. C'est pourquoi Dieu nous défend de juger, par une prudence humaine, des choses intérieures et cachées, selon ce témoignage du même Apôtre (Cor. 4. 5.) : Ne jugez point avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui produira dans la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et découvrira les plus secrètes pensées des coeurs. Car, selon le témoignage de saint Grégoire (Greg. 5. Mor. c. 27.), celui qui voit la lumière, sait l'estime et le jugement qu'il doit faire des ténèbres. Mais celui qui ne voit point la clarté de la lumière, est capable de prendre les choses obscures pour des choses claires.
L'Apôtre que Jésus aimait nous avertit de ne croire pas à tout esprit (Jn. 13. 23. 1. et Joan. 4. 1.), c'est-à-dire à tous les mouvements, à toutes les impressions, à toutes les suggestions, à tous les désirs, à toutes les inspirations. mais d'éprouver si les esprits sont de Dieu (Joan. 4. 1.). Comment puis-je faire cette épreuve ? dit S. Augustin (Aug. Ser. 30. de verb. Ap.). Je souhaiterais la faire, ajoute-t-il, si je ne pouvais me tromper. Il est certain que si je n'éprouve et ne reconnais les esprits qui sont de Dieu, je ne puis éviter de rencontrer les esprits qui ne sont pas de Dieu, et cela sera cause que je serai séduit par les faux prophètes. Que ferai-je dans ces rencontres ? Comment observerai-je tout ce qu'il faut, pour n'être point trompé ? O que ce nous serait un grand bien, si comme l'apôtre S. Jean a dit : Ne croyez pas à tout esprit, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu, il avait aussi daigné nous apprendre, comment on doit éprouver les esprits qui sont de Dieu.
Cependant continue l’homme de Dieu : « le Saint-Esprit nous avertit d'éprouver quels sont les esprits, pour nous exempter de l'inquiétude et de la peine où nous serions de nous être laissé tromper. Et parce que cette épreuve surpasse tout ce que nous pouvons connaître et pénétrer par les forces naturelles de notre esprit, le même Esprit-Saint, qui souffle où il veut, demande pour nous avec des gémissements ineffables (Joan. 3. 8. et Rom. 8. 26.), en nous faisant demander avec des prières instantes ce qui est hors de notre pouvoir : afin que le père des lumières, qui fait sortir des ténèbres la lumière la plus resplendissante (Jac. 1. 17.), quand il lui plaît, nous éclaire d'une manière admirable (1. Cor. 4. 6.), en nous envoyant sa lumière des montagnes éternelles (Ps. 75. 5.), selon le langage de l'Écriture, et nous enseignant, comme dit le prophète Isaïe, à choisir le bien, et à réprouver le mal, et à séparer ce qui est précieux de ce qui est vil (Isa. 7. 15. Jerem. 15. 19.). »
A la vérité, dit le Cardinal BONA, « par le péché de nos premiers parents, nous sommes des enfants de ténèbres, qui vivons comme dans une nuit très obscure. Mais lorsqu'il plaît à Dieu de nous éclairer par les rayons de la grâce, nos ténèbres se dissipent ; nous marchons comme dans le jour (Rom, 13, 13.), étant environnés de la lumière du Ciel ; nous voyons ce que nous devons faire ; et nous élevant au-dessus de notre état de corruption et de mort, nous entrons dans un état plus parfait. Et puisque nous sommes quelquefois poussés à des choses qui sont toutes les mêmes, tantôt par Satan, tantôt par la nature, et tantôt par l'esprit de Dieu, la lumière du discernement est extrêmement nécessaire pour reconnaître de quel principe nous viennent les suggestions qui se présentent à nous ; qui sont celles à qui nous devons donner entrée dans notre cœur, et qui sont celles à qui nous le devons fermer ».
Il est très rare, comme l'observe saint Laurent Justinien (Lib, de obed. c. 16.), de trouver des hommes qui soient spirituels tout ensemble de nom et d'effet, quoique plusieurs en aient le nom. Plusieurs ont la réputation de la sainteté ; malheureusement peu en ont les oeuvres. Ils ont la voix de Jacob ; mais ils ont les mains d'Esaü. Et nous voyons, dans l'Apocalypse, qu'un évêque avait la réputation d'être vivant, qui ne laissait pas d'être mort (Apoc. 3. 1.).
Le Cardinal BONA pose cette question : « Qui a été plus célèbre et plus rempli de sagesse et de lumière parmi les grands hommes des premiers siècles de l'Eglise, que l'a été Origène ? » Le cardinal répond lui-même : « Il a eu l'esprit si fort, sa doctrine a été si profonde, il a été si habile, et si éloquent, et sa vie a été si sainte, que tout le monde l'avait en admiration. Et cependant cet homme si extraordinaire, se confiant et s'abandonnant trop à son esprit, et méprisant les traditions des anciens par la présomption où ses lumières propres l'avaient élevé, est tombé dans des erreurs très absurdes ». Tertullien lui-même n’a pas échappé à la situation d’Origène.
Notre Seigneur nous lance cette invitation : Soyez des changeurs habiles, que les SS. Pères allèguent souvent (Clem. Alex. 1. 1. Strom. ; Origen. in Joann. to. 19. ; Epiph. har. 44. Hier. ep. ad Min. et Alexan. Cassian. coll. 1. c. 20. ; Cyrill. Alex. 1. 1, adv. Nestor.), afin que l'esprit malin ne nous fasse pas prendre du verre pour des diamants, et la fausseté pour la vérité ; et qu'ainsi nous soyons comme ces changeurs expérimentés et habiles qui savent discerner, sans s'y méprendre jamais, la bonne monnaie de la fausse.
Saint Grégoire écrit : « Il y a bien de la différence entre connaître une viande pour l'avoir seulement entendu nommer, et la connaître pour en avoir mangé. Les élus écoutent de telle sorte les vérités de la sagesse, qu'ils les goûtent, et en font la nourriture de leur âme par l'amour avec lequel ils les méditent et les pénètrent après en avoir été instruits » Il continue : « Les saints savent faire un sage discernement entre les illusions et les révélations, entre les diverses visions ou les différentes images qui se peuvent présenter à eux par le goût qu'ils ont pour ce qu'il y a de plus intérieur et de plus caché dans les bonnes choses ; en sorte qu'ils savent reconnaître ce qui leur vient du bon Esprit, et ce qui leur est présenté par l'esprit trompeur. » Richard de saint Victor dans le traité de la préparation de l'âme à la contemplation (Rich. 6. 67.) ,dit que «nous acquérons diverses instructions qui regardent le discernement, en lisant, en écoutant, en examinant diverses choses par le jugement et par la raison. Mais il est certain que nous ne sommes jamais pleinement instruits de cette matière que par l'expérience ». Par quels moyens connaissons-nous les choses ?
L'homme a deux puissances qui lui servent à connaître les choses, savoir l'imagination et l'entendement. Dieu peut répandre dans ces deux puissances des lumières célestes et surnaturelles ; et l'esprit malin peut y répandre des erreurs, soit que cela se fasse immédiatement par l'un ou par l'autre de ces deux principes si contraires, soit que cela arrive par le ministère des hommes. C'est pourquoi il est besoin de reconnaître, avec beaucoup d'exactitude et de soin, premièrement quels sont les hommes à qui nous parlons et avec lesquels nous avons commerce. Le discernement des esprits, dit saint Jean Chrysostome (Hom. 29. in 1, ad Cor.), signifie la connaissance que l'on peut avoir si un homme est spirituel, ou s'il ne l'est pas ; si c'est un prophète, ou si c'est un imposteur. Notre-Seigneur nous a recommandé lui-même l'application que l'on doit avoir à reconnaître les hommes, et la précaution qui est nécessaire à leur égard, lorsqu'il a dit (Mat. 7. 15, 16.) : Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous paraissant au dehors comme des brebis, et qui au dedans sont des loups ravissants. Vous les reconnaîtrez par leurs fruits.
Nous devons prendre soigneusement garde à ne nous point laisser emporter à tous les vents des opinions humaines et à une diversité de doctrines étrangères, comme nous en avertit l'apôtre (Eph. 4. 14. & Heb. 13. 9.). mais en demeurant fermes dans la vraie Foi, nous devons rejeter les persuasions et les dogmes faux des novateurs.
Le discernement doit être employé non seulement à distinguer le bien du mal, mais aussi à discerner ce qui est meilleur de ce qui est bon. C'est ce qu'enseigne Saint Albert Le Grand dans son traité du paradis de l'âme. « Le vrai discernement, dit-il, est de juger sagement de ce qui est bon, de ce qui est meilleur, et de ce qui est très bon. Le discernement des esprits embrasse toutes ces choses. Mais il faut voir maintenant ce que l'on doit entendre par le nom d'esprit, ce que c'est que l'esprit, et combien il y en a de sortes. » Il y a six sortes d’esprits :
Le premier est l'esprit de Dieu, dont le roi prophète a dit (Ps. 84. 9) : je veux écouter ce que mon Seigneur et mon Dieu dira en moi.
Le second est l'esprit de l'ange, comme celui dont parle le prophète Zacharie, en disant (Zach. 4. 5.) : L'ange qui parlait en moi me répondit.
Le troisième est l'esprit du démon à qui la justice de Dieu permet d'affliger les hommes, selon ces paroles du roi prophète (Ps. 77. 49.) : Il arma contre eux les mauvais anges.
Le quatrième est l'esprit de la chair que l'apôtre a marqué en disant de quelques personnes qui étaient dans un culte superstitieux des anges (Colloss. 2. 18) : Ils sont enflés par l'esprit de leur chair.
Le cinquième est l'esprit de ce monde, dont saint Paul a dit (1. Cor. 2. 12.): Nous n'avons point repu l'esprit de ce monde, mais d'esprit de Dieu.
Le sixième est l'esprit humain, dont le même apôtre a dit (Ibid. 2. 11.) : Qui des hommes connaît ce qui est en l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ?
De ces six sortes d'esprits, il y en a trois qui sont toujours mauvais, et toujours faux et trompeurs, il s’agit de celui des Démons, celui de la chair, et celui du monde ; et deux qui sont toujours bons et toujours vrais, savoir l'Esprit de Dieu, et l'esprit des Anges : et il y en a un qui est indifférent et moyen entre les bons et les mauvais, savoir l'esprit de l'homme, à cause qu'il est indifféremment capable de s'attacher et de se soumettre tant au bon qu'au mauvais esprit.
On peut réduire ces esprits à trois, à savoir : l'Esprit de Dieu, l'esprit du Démon, et l'esprit de l'homme, en joignant l'esprit de l'Ange à l'Esprit de Dieu, et l'esprit de la chair et du monde à l'esprit du Démon.
Gerson (De prob spirituum.) écrit au sujet des affections et des pensées qui viennent en vérité de l’âme : « Nous trouvons très peu d'hommes qui sachent pleinement discerner les pensées et les affections qui viennent véritablement de l'âme selon qu'elle est intelligente et raisonnable, des pensées et des affections qui sont animales et charnelles, et qui se forment dans l'imagination et dans les autres organes matériels et sensibles. Qui trouverez-vous, je vous prie, ajoute cet auteur, parmi ceux qui vivent dans la crainte de Dieu , et qui tâchent d'éviter le péché, qui toujours et en toutes choses, pendant que quelques tentations sont fortes en lui, discerne sans quelque incertitude et quelque image, si le sentiment de ces tentations est seulement dans l'imagination et les sens, ou si la partie intellectuelle et raisonnable de l'âme n'y donne aucun consentement et n'y a nulle part : tant il est difficile de distinguer le sentiment du consentement : Combien est-il encore plus difficile d'éprouver quel est l'esprit qu'on a en soi lorsque l'âme est excitée et poussée par un instinct ou par une inspiration forte, et de reconnaître si cet esprit est de Dieu, ou d'un bon ange, ou d'un mauvais ange, ou de l'esprit propre de l'homme ? Le sentiment de cette inspiration a deux parties aussi bien que le sentiment des tentations, c'est-à-dire l'une supérieure, l'autre inférieure ; l'une qui est dans l'imagination et les sens, et l'autre dans l'esprit. Et il n'y a que cette parole de Dieu qui est vive et efficace, qui pénètre jusque dans les replis de l'âme et de l'esprit, et qui discerne les pensées et les mouvements du coeur, de laquelle on reçoive la capacité de sentir et de reconnaître parfaitement la différence qu'il y a entre ce qui se passe en ces rencontres dans l'imagination et les sens, et ce qui se passe dans l'esprit et dans la raison. »
Il Faut aussi noter qu'on attribue souvent à Satan beaucoup de maux qui ne sont que des productions de la nature, laquelle est si déréglée et si corrompue par elle-même.
Il y 10 règles pour faire le discernement des esprits :
1. La Prière. Puisque tout bien vient d'en haut et que tous nos efforts sont inutiles sans la grâce de Dieu, il faut avant toutes choses implorer son secours avec une confiance humble et sincère, afin d'obtenir un esprit de sagesse et d'intelligence qui éclaire l'âme en dissipant ses ténèbres, et qui la tiennent toujours attachée à l'éternelle vérité qui ne peut tromper ni être trompée.
2. Consulter l'Écriture sainte. Puisqu'il est écrit (Psal. 118. v. 105.) : Votre parole est la lampe qui éclaire mes pas, et la lumière qui luit dans les sentiers où je marche, et que l'Ecriture sainte, comme dit l'Apôtre (2. Tim. 3. 16. 17.), étant inspirée de Dieu est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger et pour conduire à la piété et à la justice, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement disposé à toutes sortes de bonnes œuvres.
3. L'expérience de ce qui se passe en nous. Il faut que chacun considère attentivement ce qui se passe dans son coeur, afin que l'on puisse en quelque sorte reconnaître par soi-même ce qui se passe dans le coeur des autres, selon cette parole de l'Écriture (Eccl. 31. 17.) : Comprenez par vous-même ce qui est dans votre prochain
4. La pratique des vertus. Il Faut nécessairement joindre à cette expérience l'usage et la pratique de toutes les vertus, puisque sans cela personne ne peut parvenir à la perfection du discernement.
5. Confiance en Jésus-Christ. La connaissance, comme enseigne saint Thomas (De verit. q. 24. art. 3.), se rencontre dans l'homme tout d'une autre manière qu'en Dieu et que dans les anges. Car l'homme ayant l'entendement rempli de ténèbres n'arrive à la connaissance de la vérité que par le raisonnement. D'où naît en lui le doute et la difficulté à discerner et à juger : Mais en Dieu et dans les anges cette difficulté ne se trouve en aucune sorte, à cause que Dieu et ces esprits connaissent pleinement la vérité sans raisonnement et sans recherche. L'homme donc étant privé de cette connaissance qu'on peut avoir des choses par la simple vue, doit toujours avoir devant les yeux sa faiblesse et son incapacité : et quelque expérience, quelque prudence, et quelque capacité naturelle qu'il ait, il ne doit point s'y appuyer, ni se confier en soi-même ; mais il doit mettre son appui et sa confiance seulement en Jésus-Christ, dans lequel sont compris tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu.
6.° Recours à un directeur. L'humilité est nécessaire pour ne se point laisser décevoir, et pour déférer toutes choses à un sage directeur : C'est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ nous avertit de prendre garde à ne pas laisser changer en ténèbres ce que nous avons en nous de lumière (Luc. 11. 35.) : c'est-à-dire de ne pas souffrir que les ténèbres de l'orgueil et de notre propre jugement obscurcissent notre raison, qui doit tenir lieu de lumière en nous. Le Sage nous avertit de ne nous point appuyer sur notre prudence (Prov. 3. 5.).
7. paix intérieure. Dans le temps que quelque suggestion trouble votre âme, c'est un travail inutile de s'arrêter à l'examiner : car l'esprit se trouvant dans plusieurs difficultés très embarrassantes ne pourra s'en délivrer qu'avec beaucoup de peine. Il faut aussi que celui qui désire faire sans se tromper le discernement des pensées et des instincts qui l'occupent, soit exempt de toute affection à ce qui est mauvais, et ne regarde que Dieu seul, et non pas ses commodités et ses inclinations particulières.
8. Simplicité. La simplicité est encore nécessaire à celui qui veut bien discerner pour s'éloigner de plusieurs considérations, de plusieurs objections, et de plusieurs raisonnements superflus ; et afin que la seule règle de l'éternelle vérité devienne la mesure de ses jugements, et non pas ses projets et ses intérêts particuliers, ni les principes naturels, ni les exemples des autres : car autrement son esprit sera toujours confus, incertain et irrésolu, et il lui naîtra toujours de nouvelles difficultés.
9. Suivre la voie particulière de chacun. Non seulement il faut regarder soigneusement si les actions auxquelles un homme se trouve poussé sont en elles-mêmes bonnes et conformes aux commandements de Dieu et de l'Eglise, mais il faut encore considérer si elles sont conformes à la grâce, à la lumière, et aux autres impressions divines par lesquelles l'Esprit-Saint attire et fait agir.
10.: Juger des personnes par la bonne vie. Puisque nous ne pouvons ne pas examiner les pensées qui nous sont cachées et les secrets des cœurs, le plus certain et le principal principe des mouvements intérieurs de l'âme doit se reconnaître par les œuvres, selon cette sentence de Notre-Seigneur (Mat.7. 6.) : Vous les reconnaîtrez par leurs fruits.
Il est très difficile de reconnaître si c'est Dieu qui parle par soi-même ou s'il le fait par le ministère de ses anges. Ce discernement néanmoins est de petite ou de nulle importance.


Deux dons à ne pas confondre
On parle souvent du «don de discernement» comme s'il était synonyme avec le don de «la parole de sagesse». Pourtant, il est évident que les deux facultés sont distinctes, car Paul les place toutes les deux dans la même liste de dons (1 Cor. 12:8-10). Il place la parole de sagesse en parallèle avec la connaissance et la foi, alors qu'il voit le discernement des esprits en rapport avec les dons de la prophétie, des langues et de l'interprétation (grec: la traduction) des langues.
La «parole de sagesse» est donnée, semble-t-il, pour l'édification des croyants par l'application de la Parole de Dieu à des situations particulières, de manière à compléter et équilibrer le travail de l'enseignant; c'est peut-être tout spécialement ce don qui permet au berger de bien faire son travail pastoral. Cette sagesse, qui lui est accordée par Dieu, comprend certainement une grande part de discernement, ce qui fait que beaucoup le confondent avec le don de discernement proprement dit
«Les discernements des esprits»
Pourtant, le «don du discernement, que Paul a en vue dans ce passage est autre chose, car l'apôtre ne l'appelle pas ainsi, il précise qu'il s'agit du discernement des esprits. Il le désigne textuellement: «les discernements (au pluriel) des esprits» (grec: diakriseis pneumatôn).
Paul ne fait qu'une seule fois allusion à ce don (1 Cor. 12:10). Le fait qu'il le situe parmi les dons de prophétie, de diversités de langues et d'interprétation des langues rend ce don particulièrement important dans le contexte de 1 Corinthiens 14 où Paul fait justement la comparaison entre ces trois dons et où il en étudie l'utilité relative.
La nécessité de discerner
Il a toujours existé depuis la création du monde des faux prophètes. Dans l'Église aussi --comme Paul, Pierre et le Seigneur Jésus lui-même le prévoient-- des faux prophètes surgissent, des hommes qui parlent au nom de Dieu en se réclamant de l'inspiration du Saint-Esprit, tout en prophétisant des faussetés. C'est pourquoi, Paul insiste pour que ceux (grec: le reste, les autres) qui écoutent la parole jugent de ce qui est dit; le verbe grec étant diakrinein qui signifie précisément; discerner, faire une distinction, examiner, décider, juger (1 Cor. 14: 29).
Mais alors! Si la parole d'un prophète doit être contrôlée par ceux qui entendent, à combien plus forte raison une parole en langue inconnue doit-elle être examinée, scrutée, sondée, éprouvée!
Pourtant, I ‘auditoire saura difficilement se prononcer au premier abord, puisque le sens du langage n'est pas évident. Même s'il est accompagné d'une «interprétation» ou plutôt, d'une «traduction» vraie ou fictive, encore l'assemblée a-t-elle le devoir de discerner, d'examiner, de décider de l'origine et de la valeur des deux choses. C'est là que le don «des discernements des esprits» devient utile, précieux. A certains croyants, Dieu accorde une sensibilité, une sagesse, une profondeur spirituelle et une compréhension de la vérité qui leur permet de discerner l'origine de l'esprit agissant sur l'un ou sur l'autre. Mais ceux qui exercent le véritable don des «discernements» basent toute leur procédure et leurs conclusions sur la Parole de Dieu.
Les mauvais esprits sont tellement subtils qu'ils parviennent à confondre l'intelligence humaine en faisant passer l'erreur pour la vérité. Le mensonge diabolique est presque toujours présenté sous une enveloppe de vérités.
Comment un homme peut-il atteindre la sagesse spirituelle qui rendra possible un jugement sûr dans des cas semblables? Je crois que ce don de discernement se développe chez ceux qui vivent dans l'intimité avec Dieu: c'est la conséquence d'un approfondissement de la Parole entière de Dieu et d'une révélation de la face de Dieu dans la prière. Que Dieu nous donne de ces hommes et de ces femmes doués d'une vision claire et certaine ! L'Église en a terriblement besoin.
Discerner face à l'occulte
Poussons cette question un peu plus loin. Ceux qui sont engagés à fond dans l'œuvre de Dieu, surtout dans l'évangélisation et la cure d'âme, rencontrent tôt ou tard chez les gens toutes sortes de problèmes et d'obstacles mentaux, psychiques, spirituels et psychosomatiques (où le physique et le psychique s'entremêlent). Beaucoup de personnes, consciemment ou non, sont en rapport avec le monde occulte. Il est vrai que l'exorcisme est une activité très spéciale qui nécessite donc beaucoup de prudence, accompagnée d'une autorité spirituelle authentique. Dieu emploie certains de ses enfants plus que d'autres dans ce domaine. Mais l’exorcisme n’est pas notre sujet d’aujourd’hui, nous parlons du discernement des esprits.
Aujourd'hui, il existe une telle confusion de doctrines et de pratiques dans l'Église que l'utilité de ce don paraît de plus en plus évidente; nous avons tellement besoin d'hommes qui discernent quels sont les esprits qui inspirent les prédications, opèrent dans les délivrances, les guérisons, qui agissent sur les individus, qui formulent les directives.
L'ignorance des Écritures, si coupable et si répandue dans notre christianisme contemporain, provoque un peu partout la confusion des idées. Quand, au milieu de ce fatras, apparaissent des personnes insistant sur la parole inintelligible, nous sommes en droit de demander à Dieu une lumière pour éclairer nos ténèbres, une véritable action du Saint-Esprit nous permettant de faire une distinction absolue entre les vrais dons et les faux, entre la lumière et les ténèbres, entre l'incertitude et la voix claire de notre Sauveur. Les vraies brebis, rachetées par le sang de Christ, connaissent la voix de leur maître.

L'action du diable.
Beaucoup de personnes même au sein du clergé catholique nient l’existence du diable. Le Pape Paul VI dit, par rapport à cet esprit : Satan est un agent pervers et de perversion... ce n'est pas seulement un démon, mais une terrible pluralité. Ce qui revient à dire sans ambages que, Satan est une personne, et même une pluralité de personnes ; il comprend tous les anges qui, ayant refusé d'obéir à Dieu, sont devenus des démons, c’est-à-dire rebelles et maudits. Et que dire de son activité ?
Activité ordinaire du diable
Son activité principale, à comprendre comme ordinaire, consiste à tenter l'homme au mal en cherchant à le faire s'éloigner de Dieu. C'est pourquoi il ne suffit pas seulement de « croire en Dieu ». Même le diable croit en Dieu, mais refuse de faire sa Volonté. C’est une nécessité pour nous de faire la volonté de Dieu. L’exorciste du Vatican Don Amorth raconte : « Au cours de mes 45.000 exorcismes, je n'ai jamais rencontré un diable qui ne croît pas en Dieu. Croire ne sert à rien ; il faut plutôt faire ce que Jésus nous a dit de faire » (cf. Jc 2.14-20; Mt 7.21).
N’oublions pas que tous les hommes sans exception, sont tous soumis à l’action tentatrice du diable, et pour toute notre vie, comme cela s'est produit aussi pour Jésus et Marie ; c'est la raison pour laquelle il est nécessaire de ne pas dormir spirituellement mais de veiller, de prier, de fuir les occasions de péché. C’est en étant unis au Christ qui a vaincu Satan par la puissance de la Croix que nous pouvons être victorieux avec lui.
Activité extraordinaire du diable
En plus de l’activité ordinaire du diable, Il existe aussi une activité extraordinaire, qui consiste en son pouvoir d'occasionner des troubles particuliers, exceptionnels ; cela se produit souvent par notre propre faute, mais aussi parfois par celle d'autrui. Comment pouvons-nous les classifier ? Nous pouvons classifier ces maux selon quatre catégories, bien qu'il n'existe pas un langage commun parmi les spécialistes en démonologie pour décrire les phénomènes démoniaques.
Le démon, accompagnant la haine qu'il a contre les hommes d'une infinité de ruses et d'artifices, non seulement les excite au mal par une infinité de suggestions cachées, mais il les attaque quelquefois ouvertement en assiégeant leur corps, en y entrant et en s'en rendant le maître, de telle sorte qu'il y agit comme s'il vivait par lui, et comme si les membres du corps étaient ses organes. C'est pour cela qu'on appelle ces personnes qui sont obsédées ou possédées par les démons, des énergumènes ou des démoniaques. Don Amorth fait la classification suivante :

La Possession : le diable entre dans le corps humain et se manifeste par des gestes et des paroles. Dans un tel cas, qu'il soit bien clair que satan ne peut jamais se rendre maître de l'âme.
La Vexation : le démon frappe une personne avec des souffrances et des maléfices, agissant sur le plan de la santé, des affections ou du travail. C'est un cas très difficile à discerner car souvent ces maux proviennent de satan mais d'une manière indirecte, non évidente, jusqu'à sembler provoqués par des phénomènes naturels. Pourtant, les personnes frappées, souvent incomprises des prêtres et Évêques peu instruits de ces faits, tournent alors leur recherche d'aide vers des mages ; les problèmes se compliquent alors ultérieurement car toute magie tire son efficacité du royaume des ténèbres.
Selon le Père Amorth, c'est une illusion stupide de penser que la magie dite « blanche », celle qui semble poursuivre une finalité de bien, puisse utiliser le pouvoir du Malin pour devenir bénéfique et éliminer le mal. La magie est toujours noire, toujours maléfique, même quand elle est présentée comme « bonne ».
L’Obsession : il s'agit de troubles donnés à l'homme, qui frappent sa sérénité intérieure, son équilibre psycho-émotif. Satan agresse en causant des perturbations, angoisses et tourments intimes.
Les Infestations : on entend ces maléfices qui frappent également les choses et les animaux. Le Catéchisme de l’Église Catholique affirme qu'on peut faire des exorcismes aussi aux choses (CCC n°1673), et, de fait, il arrive parfois de devoir exorciser des maisons ou des lieux. Don Amorth cite quatre motifs dans le cadre de la réception de ces maux :
a) par libre initiative du démon. Dieu, en vertu de la liberté accordée à chaque créature, tolère que satan opère le mal, même si le mal n'est pas la volonté du Seigneur. Sa non-intervention immédiate ne représente pas pour autant une permission de Dieu au mal. Les motifs de cette volonté divine nous échappent en partie ; pourtant, nous savons que le Tout-Puissant a le pouvoir de transformer le mal en bien.
Don Amorth note que de nombreux saints ont été frappés de possessions, vexations, obsessions et se sont sanctifiés à travers ces épreuves: Padre Pio, le Curé d'Ars, Ste Gemma... Ici nous ne devons oublier la valeur de la croix. Les maux sataniques, offerts en sacrifice à Dieu, ont un énorme pouvoir de salvation. .
b) par la fréquentation de lieux dangereux : mages, cartomanciennes, groupes sataniques, séances de spiritisme, marabouts…
c) par la persistance dans le péché grave. Avec le temps, on « s'endurcit » dans le péché et le mal s’enracine profondément en nous.
d) par les maléfices : c'est la cause la plus commune, qui regarde 90% des cas et ne dépend pas de celui qui subit les maux. « Maléfice » signifie un mal fait avec l'aide du démon. Qui peut le faire ? Non pas tous mais seulement les mages réellement en contact avec le diable. Il existe diverses formes de maléfices : envoûtement, enchaînement, mauvais œil... Sont coupables de tels maux celui qui ordonne les maléfices et celui qui les fait.
Ce que fait Dieu et ce que fait Satan
Dieu nous conduit peu à peu du plus bas état au plus haut, de l'imperfection à la perfection. Il a accoutumé d'avoir égard à l'âge et à la qualité des personnes : en sorte qu'il répand une sagesse particulière dans les vieillards, une autre dans les jeunes gens, une autre dans ceux qui commencent, une autre dans les parfaits.
Le démon ne garde aucun ordre. Il donne des ferveurs inconsidérées et à contre-temps. Il porte tout d'un coup à des transports et à des extases ; à vouloir faire des miracles, des prédictions ; des révélations, afin de précipiter avec lui-même dans l'abîme de l'orgueil les âmes qu'il a engagées par ses tromperies spécieuses, et qu'il a attirées et charmées par une nouveauté agréable et pleine d'éclat. Il persuade à ces personnes qu'il a ainsi surprises, des abstinences excessives, des veilles immodérées, et le, porte à ruiner et accabler quasi leur corps par de semblables austérités violentes. Et parce qu'il les empêche ainsi de se modérer dans les choses qu'il leur fait entreprendre, elles s'imposent des fardeaux qu'elles ne sont point capables de supporter. Quand leurs forces sont détruites et que la vigueur de leur âme est abattue, elles tombent ensuite dans un si grand relâchement, qu'on leur pourrait avec sujet attribuer ces paroles du Prophète Roi : Ils montent jusque au ciel, et ils descendent jusque dans l'abîme (Psal. 106. 26.).
Dieu a de coutume au commencement de la conversion de soutenir l'arme par la douceur de ses consolations comme par un lait dont il la nourrit dans son enfance spirituelle ; afin qu'en goûtant combien le Seigneur est doux (Ibid. 33. 9.), elle croisse pour le salut. Mais lorsqu'elle est plus avancée selon l'âge de l'homme intérieur et spirituel, il lui fournit une nourriture plus solide. L'Apôtre suivant cette même règle et ce même ordre que Dieu observe, écrit aux fidèles de Corinthe, que les regardant comme des enfants en Jésus-Christ, il ne les a nourris que de lait, et non pas de viandes solides, parce qu'ils n'en étaient pas encore capables (1. Cor. 3. 2.).
Satan au contraire d'abord propose les choses les plus difficiles, exagère la sévérité de Dieu, donne une image terrible de ses jugements impénétrables, pour faire tomber dans le désespoir. Dieu par une bonté toute paternelle donne le calme à ceux qui travaillent pour acquérir les vertus : mais Satan par une méchanceté d'ennemi inquiète et afflige autant qu'il le peut.
Celui qui reçoit les inspirations du ciel par l'oreille intérieure du coeur, est poussé par l'esprit de Dieu et reçoit ses plus fortes impressions, sans qu'il se passe rien de sensible au dehors. Mais quand on entend une voix et un certain bruit au dehors, c'est une marque du malin esprit ; parce que c'est le propre de l'esprit de Dieu de se répandre dans le plus intime de l'âme d'une manière toute spirituelle, au lieu que Satan s'approche extérieurement et tâche de gagner et de s'insinuer par des choses sensibles.
Celui que Dieu remue, s'il lui arrive quelque chose de merveilleux et au-delà de l'ordre accoutumé, ne tient pas cela pour assuré, mais craint plutôt de se tromper. Il s'estime indigne des dons de Dieu : et pour n'être point déçu par les embûches de Satan, il découvre à son supérieur tout ce qui se passe en lui. Mais celui qui est enclin à se complaire dans ces sortes de choses extérieures et sensibles, et qui est accoutumé à y ajouter foi sans discernement et sans choix, semble n'être poussé que de l'esprit qui séduisit le premier homme par son orgueil. Sainte Thérèse (Ribera ejus vitae lib. 4. c. 7.) Après que Dieu eut commencé d'opérer en elle des choses miraculeuses, craignant les illusions de l'ennemi, demanda à Dieu avec beaucoup de larmes qu'il lui fit la grâce de la conduire à la perfection par la voie accoutumée. Elle s'exposa à l'examen de divers hommes éclairés qui étaient alors en réputation en Espagne pour leur doctrine et leur sainteté ; et elle se plaisait davantage à traiter avec ceux qui avaient plus de crainte et de défiance. Celui qui suit cette règle ne saurait être trompé.
C'est un signe fort considérable de l'esprit de Dieu que la miséricorde et la compassion vers le prochain, même dans les temps qu'on doit exercer vers lui la justice. La vraie justice, dit saint Grégoire-le-Grand.(Hom. 34. in Evangel.), est compatissante : mais la fausse justice est fière et dédaigneuse. Car encore que les justes fassent quelquefois paraître au dehors une grande sévérité pour exercer une correction et une discipline équitable vers le mal, ils conservent néanmoins au dedans la douceur par leur charité. Ils préfèrent souvent à eux-mêmes dans leur esprit ceux qu'ils corrigent ; et ils estiment meilleurs qu'eux ceux dont ils sont les juges. Et usant de cette conduite ils retiennent dans leur devoir par une discipline salutaire ceux qui leur sont inférieurs, et ils se conservent eux-mêmes par une sincère humilité.
Le mauvais esprit porte toujours à la colère, à l'impatience, à l'amertume d'esprit, à la dureté, et à une espèce d'humeur farouche. Au contraire c'est le propre du bon esprit de porter à couvrir et à excuser autant qu'il se peut les vices des autres. Mais celui qui se met en colère contre les défauts du prochain, qui les exagère, qui en parle sans retenue, est poussé par l'esprit d'orgueil : CAR ON EST CONVAINCU DE VOULOIR FAIRE CONSIDÉRER SA PROPRE VERTU QUAND ON SE PLAÎT A PUBLIER LES DÉFAUTS DES AUTRES.
Les suggestions de Satan d'abord apportent de l'assurance ; mais dans la suite elles produisent la défiance du secours divin, et le désespoir. Comme il y a deux genres d'hommes, savoir les bons et les méchants, cet ennemi suscite dans les bons des scrupules et des peines, et dans les méchants des dispositions qui tendent aux plaisirs des sens. Il attaque les uns âprement, en excitant en eux des tumultes et des troubles ; mais il vient aux autres d'une manière agréable, douce, et n'employant rien qui ne soit propre à les gagner. Le démon étant le roi des superbes est l'ennemi et l'adversaire de Jésus-Christ, et ne suggère que des choses contraires aux exemples et à la doctrine de ce Sauveur. Quelquefois Satan exhorte un homme à la vertu ; mais il l'excite aussitôt contre cette même vertu par les suggestions importunes, en lui représentant beaucoup de difficultés, afin qu'après lui avoir ôté toute espérance d'acquérir la vertu qu'il lui avait proposée, il le jette dans l'oisiveté et l'inutilité, et le tienne toujours dans la défiance de son salut.
L'esprit malin garde cette coutume pour nous tromper, de nous faire paraître que ses suggestions ne nous portent qu'à de bons et de saints désirs, et qu'à entretenir de saintes pensées dans notre âme. Mais aussitôt il attaque les hommes adroitement et secrètement, et les trompe misérablement par ses artifices. Car il répand peu à peu le venin dans leur âme, et il jette dans des ténèbres horribles ceux qu'il avait remplis de fausses lumières.
Le sentiment de Diadoque est que le démon répand quelquefois en l'âme l'impression d'une lumière apparente et fausse : ce qui en a, dit-il (C. 36), trompé plusieurs. Ceux qui sont poussés et conduits par un mauvais esprit, ont accoutumé d'être légers, inconstants, turbulents, inquiets, violents, et de ne rien faire avec maturité et circonspection. Ils ne reçoivent conseil de personne. Ils préfèrent leur propre jugement aux instructions et aux sentiments des saints Pères.
Si le démon voit que la volonté de ceux qui servent Dieu est forte et constante, il attaque leur entendement, leur suggérant des pensées sublimes, et des sentiments curieux et relevés ; afin qu'ils s'imaginent faussement être parvenus au comble de la perfection, et que se tenant élevés par la présomption et la vanité, ils négligent la pureté de leur coeur et le soin de mortifier la nature et les passions, et se proposent leur propre sagesse comme l'idole de leur coeur. L'ennemi ne cesse point de nous combattre, et de nous exciter au vice en tout temps et en toutes occasions. Mais s'il ne peut faire impression sur notre âme par ses mauvaises suggestions, il tâche au moins de corrompre les inspirations qui viennent de Dieu, en excitant dans notre coeur la complaisance et la vaine gloire.
C'est une marque du bon esprit d'avoir une sincère vénération vers les Saints qui sont dans le ciel, et de révérer les serviteurs de Dieu qui vivent encore sur la terre ; de lire avec beaucoup de respect les histoires qu'on a faites de leur sainte vie, mais principalement de se proposer de suivre leurs pas, et d'avoir un sentiment intérieur de dévotion pour les reliques des Saints. Mais l'esprit qui souffle du côté de l'Aquilon rend l'homme arrogant, dédaigneux, opiniâtre, et porte à mépriser les Saints, et à se moquer comme de fables, de tout ce qu'on en rapporte.
Connaître les choses qui sont fort éloignées de nous et celles qui sont secrètes et cachées, est un signe de l'esprit de Dieu, lorsque d'ailleurs on est assuré par l'expérience, de l'humilité et de la charité de celui en qui se trouve cette connaissance miraculeuse. Que si l'on voit que cette sorte de connaissance entretient la vaine gloire et la curiosité, on ne peut douter qu'elle ne vienne de Satan. Mais d'entendre et de découvrir les pensées intérieures et les secrets du coeur, sans qu'on ait aucun indice au dehors, c'est l'ouvrage de l'esprit de Dieu qui seul pénètre les coeurs des hommes, et qui révèle à ses serviteurs ce qui est le plus caché, quand il lui plaît.
L'Écriture nous enseigne (Exod. 7) que les méchants mêmes peuvent faire des miracles, lorsqu'elle rapporte que les sages et les enchanteurs d'Égypte en firent de semblables à ceux que Moïse avait faits. Et Notre-Seigneur dans l'Évangile parle ainsi des pécheurs qui mériteraient sa condamnation au jour du dernier jugement : Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N'avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? N'avons-nous pas fait plusieurs miracles en votre nom ? Et alors je leur dirai hautement ; Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui vivez dans l'iniquité (Mat. 7. 22. 23.). Car les enchanteurs, selon le témoignage de saint Augustin (Lib. quoest. 83. q. 79.), font des miracles par les pactes particuliers qu'ils ont faits avec les Démons. Les bons chrétiens agissent par une justice qui paraît devant tout le monde ; et les méchants par les apparences trompeuses de cette justice. Les miracles qui se font par les magiciens, se font par l'invocation et l'illusion des démons. Les mauvais chrétiens, et même les infidèles, mais beaucoup plutôt les justes, peuvent faire des miracles par une vertu divine ou pour montrer la vérité de la foi, ou pour faire honorer Jésus-Christ dont on invoque le nom, comme l'enseigne saint Thomas (2. 2. q. 178.). Et toutes ces opérations miraculeuses ne sont point des marques de sainteté, si l'on n'a une évidence assurée, après en avoir mûrement considéré toutes les circonstances, qu'elles se font avec l'opération divine par un homme d'une vertu éprouvée et reconnue, afin que sa sainteté paraisse par ces sortes de miracles.
Mais les changements que l'on fait dans l'âme des hommes pour leur sanctification, doivent être estimés des marques véritables et absolues de la sainteté de celui qui fait ces changements. Car Dieu n'a pas accoutumé de choisir un homme qui ne lui est pas agréable pour un ouvrage tel qu'est celui d'une parfaite conversion. C'est pourquoi on a l'expérience que jamais nul homme n'a été converti par la persuasion d'un hypocrite. Et quoique l'on ait pu donner quelques témoignages de vertu, après avoir été secouru par une personne de cette sorte, cela néanmoins dans la suite du temps a péri et s'est réduit à rien.
L'inspiration à faire le bien en laquelle on ne voit paraître rien de mauvais, et qui ne fait nul obstacle à un autre bien qui est plus grand, et où l'on ne voit rien qui ne convienne à la personne qui le fait et à son état, est sans doute très bonne. Mais il est nécessaire d'examiner toutes choses en ces rencontres avec une vive pénétration, parce que le bien doit venir d'une cause qui n'ait rien de défectueux, et que nous ne pouvons pas facilement comprendre quelle est l'exacte et parfaite droiture des oeuvres. Enfin les mouvements qui ont été bons dans les commencements, dégénèrent souvent en mal dans leur progrès ou par le vice de la nature corrompue, ou par les impulsions du démon. Il faut donc observer si le commencement, le milieu et la fin vont de même sorte et sont uniformes, et si toutes les circonstances qui se rencontrent, conspirent à l'intégrité de ce bien. L'inspiration de Dieu rend l'âme docile et très disposée à se soumettre au sentiment et aux conseils des autres, principalement des plus anciens et des supérieurs.
La discrétion accompagne toujours le bon esprit. Et quand il conduit une âme dans ce cellier mystique dont il est parlé dans le Cantique de l'Epouse sainte, il règle aussitôt en elle la charité. Il était sans doute bien nécessaire, dit saint Bernard (Ser. 49. in Cant.), que Dieu mît l'ordre et la règle qui doit être dans la charité, parce que lorsque l'esprit est plus fervent et plus véhément, et la charité plus abondante et plus épanchée, il est besoin d'une science plus éclairée et plus vigilante qui tempère la chaleur de l'esprit et qui règle la charité. La discrétion donne à toutes les vertus l'ordre qu'il faut qu'elles aient. L'ordre donne la mesure et les bornes qui conviennent à chaque chose, et donne aussi la grâce, la beauté, et la durée que chaque chose doit avoir. La discrétion n'est donc pas tant une vertu particulière comme une modératrice et une conductrice des autres vertus. Elle met les affections de l'âme dans l'ordre et la place qui leur sont propres, et règle toute la conduite de la vie. Sans elle la vertu se changera en vice, l'amour même naturel se convertira en une espèce de trouble et d'agitation, et même en une destruction de la nature.
La charité unit toutes choses ensemble et les accommode l'une à l'autre avec un tempérament qui produit l'unité de l'esprit, et toutefois cette charité est ordonnée et réglée par la discrétion. Car celui qui ne garde point de modération dans ses affections et qui se porte aux excès, est sans doute poussé par cet esprit qui dans soi n'a nul ordre, mais une horrible confusion, laquelle durera éternellement.
Lorsque l'esprit de Dieu pousse à des oeuvres grandes et merveilleuses, il commente son effet par l'intérieur en remplissant l'âme de dons signalés que l'un ne produit au dehors pour l'édification des autres, qu'après être établi dans une solide humilité. Mais la suggestion de Satan ne porte qu'à des choses extérieures qui soient exposées à la vue et à la louange des hommes, en faisant négliger la réformation de l'intérieur.
Le bon esprit remue les gens de bien avec douceur, mais touche et remue les méchants d'une manière qui leur donne de la terreur. Au contraire, le mauvais esprit flatte les méchants et donne de la terreur aux bons pour les troubler. C'est pourquoi il faut observer la ressemblance ou la dissemblance qui se rencontre entre les hommes, et les esprits dont ils peuvent recevoir des impressions : car ces esprits agissent d'une manière tout opposée vers les hommes qui leur sont contraires. Le Démon propose aux pécheurs les charmes trompeurs de ce siècle et les délices des sens. Il imprime dans leur esprit une vaine espérance en la miséricorde de Dieu, afin de leur faire différer la pénitence, et d'augmenter leurs péchés. Mais à cause que les justes lui sont dissemblables, il les traite d’une autre manière. Il les tourmente par des scrupules ; il les tourmente par de vaines craintes et par diverses peines intérieures, afin qu'ils ne se portent à ce qui regarde le service de Dieu qu'avec dégoût et ennui.
Mais l'esprit de Dieu traite les méchants, à cause qu'ils lui sont dissemblables d'une manière tout opposée au traitement que leur Fait Satan. Il les presse par des remords de conscience ; il les ébranle par là la crainte de la mort et de l'enfer, et ne leur laisse avoir aucun repos dans les choses de ce siècle. Au contraire, il traite les bons avec douceur ; il les assiste, il les soutient, il les remplit de consolation et de joie. Saint Augustin a considéré ces effets de l'esprit de Dieu en disant dans ses Confessions (Lib. 11. c. 9.) : Quelle est cette lumière qui m'éclaire quelquefois de ses rayons, et qui frappe mon cour sans le blesser, en sorte que j'en tremble, et que je me sens en même temps enflammé ! Je tremble dans la confusion que j'ai de lui être si dissemblable, et mon coeur s'enflamme quand je considère en quoi je lui suis semblable.
C'est un signe d'une inspiration divine que de se trouver excité à la pénitence et à une véritable contrition, quand l'âme est enflammée tout d'un coup, et est tellement changée que l'on peut dire : Ce changement vient de la droite du très Haut (Psal. 76. 11.), quand la langueur, le découragement, l'inquiétude et l'irrésolution se dissipent soudainement, et que le courage, la diligence et la joie succèdent. Car tous ces effets ne sauraient venir que de l'Esprit-Saint. C'est pourquoi saint Bernard a dit ( Ser. 1. Pent.) : Les choses que fait le Saint Esprit en nous rendent témoignage de lui. La pénitence est le commencement du retour à Dieu ; et elle est sans doute produite en nous par l'esprit de Dieu, et non par le nôtre. Nous sommes instruits de cette vérité par des raisons indubitables, et l'autorité nous la confirme. Car qui doutera, lorsqu'il se sera approché du feu et qu'il s'y sera chauffé, que sa chaleur sera venue du feu, puisqu'il ne la pouvait avoir alors par une autre cause ? Ainsi donc, si celui qui était froid par l'iniquité, se trouve enflammé par l'ardeur de la pénitence, il ne doit point douter qu'il ne soit venu en lui un nouvel esprit par lequel le sien propre est repris et est condamné.
Puisque le péché originel nous rend enclins aux plaisirs des sens, on doit s'assurer que c'est une bonne inspiration que celle qui nous retire de ces plaisirs, et qui nous porte aux mortifications et à la croix. Ces paroles de l'Apôtre sont d'un homme qui aimait parfaitement Jésus-Christ (2. Cor. 12. 10.) : J'ai de la complaisance et de la joie dans mes faiblesses, dans les outrages, dans les nécessités où je me trouve réduit, dans les persécutions, dans les afflictions pressantes que je souffre pour Jésus-Christ. L'ignominie de la croix, dit saint Bernard (Ser. in. 5. Cant.), est agréable à celui qui n'est point ingrat au Rédempteur crucifié pour son salut.
Il n'y a point de plus certaine marque de l'esprit de Dieu que l'amour, comme l'enseigne excellemment saint Augustin. Nous connaissons, dit ce Père (Tract. 8. in. Ep. 1. Joan.), que l'esprit de Dieu habite en nous. Mais d'où tirons-nous cette connaissance ? C'est de cette demeure qu'il établit en nous, laquelle se fait connaître elle-même. Comment savons-nous que Dieu nous a communiqué son esprit ? Interrogez votre coeur. S'il est plein de charité, vous avez en vous l'esprit de Dieu. Ceux qui n'aiment point, dit encore ailleurs ce Père (Ibid. 76. in Joan.), ne sont que comme un airain sonnant et une cymbale retentissante, quand ils parleraient le langage des hommes et des anges mêmes. Et quand ils auraient le don de prophétie, et qu'ils pénétreraient tous les mystères, et qu'ils auraient une parfaite science de toutes choses , et même toute la foi possible, et capable de transporter les montagnes, ils ne seraient rien. Et s'ils distribuaient tous leurs biens aux pauvres et livraient leur corps pour être brûlé, tout cela ne leur servirait de rien (1. Cor. 13. 1. et seq.). C'est donc l'amour seul qui discerne les Saints de ceux qui appartiennent au monde.

Pour être pratique
C'est surtout dans notre contexte où beaucoup de personnes affirment avoir le don du parler en langue, que nous avons à prendre en considération «le don des discernements des esprits». Comment reconnaitre les faux esprits ?
-- L'Esprit de Dieu s'accorde avec la Parole de Dieu, qui est la sienne. Il confirme et appuie l'autorité absolue de l'Écriture sainte. Tout esprit d'insoumission qui conteste l'autorité de l'Écriture, ou qui s'élève en autorité parallèle ou supérieure à l'Écriture, est manifestement faux.
-- Dieu nous ordonne d'éprouver les esprits (1 Jean 4:1-3). Un refus devant ce commandement explicite est donc immédiatement suspect. L'Esprit de Dieu, au contraire, ne s'esquive pas vis-à-vis d'un tel examen, il invite l'épreuve, à condition, bien sûr, que l'enquête se fasse en conformité avec les Écritures et avec un coeur absolument sincère, droit et honnête. «Tenter» l'Éternel est évidemment un péché grave (Matth. 4:37); mais lui-même demande d'être «mis à l'épreuve» sur la base de sa propre Parole (Mal. 3:10). Et il répond. Si la personne en question refuse d'éprouver ou de laisser éprouver selon l'Écriture l'esprit de la langue qui parle en elle, c'est déjà un mauvais signe.
-- Un esprit orgueilleux qui refuse de se soumettre à l’autorité ecclésiastique ne vient pas de Dieu. L'Esprit de Dieu et l'Esprit de Jésus, nous enseignent que l'humilité est la marque de la véritable grandeur spirituelle. A ce propos, nous aurions besoin de lire une fois de plus -- et à genoux -- le chapitre 18 de Matthieu. Christ dit que le plus grand dans son royaume est celui qui est prêt à être l'esclave de tous (Matth. 18:4; 20:25-28; Nom. 9:35; Jean 13:1-5; 12-17). L'homme spirituel est conscient de sa propre insuffisance, il ne méprise pas son frère.
-- L'Esprit de Dieu ne divise pas le corps de Christ; il en unit les membres. Tout esprit qui provoque une division entre frères est suspect. Il y a un seul Esprit de Dieu, un seul Seigneur Jésus, un seul corps, un seul Père céleste (Éph. 4:4-6). L'Esprit de Dieu ne détruit pas l'unité divine. A ce propos, que faut-il penser des innombrables divisions qui ont éclaté entre chrétiens un peu partout à cause de la glossolalie? Si l'esprit auquel on a affaire ne produit pas un véritable amour pour tous les frères en Christ, nous pouvons discerner tout de suite un élément étranger à la vérité.
Les démons nous troublent et nous trompent par les rêves, les songes…Tertullien a bien traité ce sujet. Epicure, dit-il (L. 4. de animâ. c. 46.), a jugé que les songes étaient entièrement vains, voulant que Dieu ne fût occupé de rien, renversant l'ordre des choses, et les réduisant à un état purement passif, comme simplement exposées aux événements et au hasard. Cet auteur réfute l'opinion d'Epicure en rapportant l'histoire de quelques-uns des plus remarquables songes des Payens, dans lesquels des choses cachées et fuutures ont été révélées. Et il dit ensuite (Cap. 2. 47.) : Nous sommes certains que les démons sont souvent auteurs de songes, quoique véritables et agréables : Combien le sont-ils plutôt des songes qui sont vains, frivoles, propres à troubler et mêlés d'illusions et d'impureté ? Mais Dieu est aussi auteur de quelques songes, puisque nous voyons qu'il a promis de répandre la grâce du Saint-Esprit sur toute chair, et que ses serviteurs et servantes prophétiseraient et auraient des songes. Il faut attribuer ces songes à Dieu s'ils sont convenables à la sainteté de sa grâce ; s'ils sont honnêtes, saints, prophétiques, édifiants ; s'ils révèlent des vérités cachées, s'ils nous signifient les choses auxquelles Dieu veut nous appeler. Il arrive quelquefois que Dieu par cette même bonté avec laquelle il fait tomber les pluies et luire le soleil sur les justes et sur les injustes, répand aussi ses grâces et ses lumières par cette voie sur les hommes profanes. Le roi Nabuchodonosor eut un songe qui lui fut envoyé de Dieu, et beaucoup d'hommes connaissent Dieu par des visions. Comme donc Dieu daigne faire du bien même aux Païens par cette voie des songes, le malin esprit tente les Saints au contraire par la même voie, tachant de s'insinuer dans leur âme au moins pendant qu'ils dorment, s'il ne le peut pendant qu'ils veillent. Il y a une troisième espèce de songes que l'âme semble se causer à elle-même.
Et saint Grégoire le Grand lui est conforme en distinguant plus clairement cette matière. Il arrive des songes, dit-il (Lib. 4. Dial. c. 48. et 1. 8. Mor. c. 13.), par six différentes causes. Quelquefois de ce qu'on a l'estomac trop plein ou trop vide ; quelquefois des illusions ; quelquefois des pensées et des illusions tout ensemble ; quelquefois des révélations ; quelquefois des pensées et des révélations conjointement. Les songes des deux premières causes arrivent à tout le monde ; et nous trouvons dans l'Ecriture sainte des exemples de ceux qui arrivent par les quatre autres causes. Car si les songes n'arrivaient souvent par les illusions que produit en nous notre ennemi en se cachant, le Sage ne dirait pas : Les songes en ont fait tomber plusieurs dans l'erreur (Eccle. 34. 7.), et ceux qui y ont espéré, sont déchus de leur espérance ; et Dieu ne dirait pas dans sa parole : Vous n'aurez point recours aux augures, et vous n'observerez point les songes (Levit. 19. 26.) Si aussi les songes ne procédaient pas tout ensemble de l'illusion et de la pensée, le Sage n'aurait pas dit : Les songes sont suivis de beaucoup de soins et d'inquiétudes (Eccle. 5. 2.). Et si les songes n'arrivaient pas quelquefois pour faire recevoir des révélations mystérieuses, le patriarche Joseph n'aurait pas vu en songe qu'il devait être proféré à ses frères, et le saint époux de Marie n'aurait pas été averti par un Ange dans un songe de se retirer avec le saint enfant Jésus en Égypte. Et enfin si les songes n'arrivaient pas conjointement de la révélation et de la pensée, le prophète Daniel n'aurait pas expliquer à Nabuchodonosor sa vision en commençant par l'exposition de sa pensée en ces termes : Vous vous êtes occupé dans votre lit de ce qui devait arriver (Dan. 2. 29.).
L’autorité de l'Écriture nous donne une entière assurance que Dieu envoie des songes tant à des gens de bien qu'à des méchants qui sont non-seulement véritables et certains, mais encore pleins de mystères. Et même plusieurs d'entre les sages Païens ont reconnu cette vérité, dont il n'est pas de notre sujet de rapporter les témoignages. Il suffit d'en alléguer de la parole de Dieu. Vous me persécuterez par des songes horribles, et vous m'effraierez par d'affreuses visions, dit Job (Job. 7. 14. ) ; et il dit encore (Ibid. 33. 15.) : Dans le temps des songes, par une vison de nuit, quand le sommeil sur les hommes et qu'ils dorment dans leurs lits, alors Dieu ouvre leurs oreilles, et les enseignant il les instruit par sa discipline. Nous lisons encore dans l'Écriture sainte que Saül consulta le Seigneur, et qu'il ne lui répondit ni par les songes, ni par les prêtres, ni par les Prophètes (1. Reg. 28. 6.). Dieu même parle ainsi de ce sujet à Aaron et à Marie sa sœur : S'il y a parmi vous quelque prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision, et je lui parlerai par des songes (Num.12. 6.). Enfin le prophète Joël prévoyant et prédisant la grâce du nouveau Testament, parle en ces termes : Leurs fils et leurs filles prophétiseront, leurs vieillards feront des songes, et leurs jeunes gens auront des visions (Joël. 2. 28.). Il y a dans l'Ecriture assez d'exemples de ces songes envoyés de Dieu. Il avertit par un songe Abimélec, roi de Gerare, de ne toucher pas la femme d'Abraham (Gen. 20.). Il fit voir à Jacob dans un songe une échelle mystique, et les anges qui montaient et descendaient par cette échelle (Ibid. 28.). Il apparut à Laban dans un songe, en lui commandant de ne point traiter durement Jacob (Ibid. 31.). Chacun sait les songes de Joseph qui furent des présages du pouvoir où il devait être, et qui furent l'occasion de l'envie et de la haine de ses frères (Ibid. 37.). On voit dans la même Écriture les songes de pharaon qui signifièrent la stérilité de sept années, et que Joseph interpréta par la lumière de l'esprit de Dieu (Ibid. 41.), Ce fut dans un songe que Dieu promit à Salomon de lui donner de la sagesse, des richesses et de la gloire par-dessus tous les autres rois (3. Reg. 3.). Nous voyons dans le livre de Daniel le songe de Nabuchodonosor (Dan. 2 et 7.) et un autre songe du même Prophète qui lui désigna les quatre monarchies, Judas Macchabée vit en songe le Prophète Jérémie qui lui donna une épée d'or pour s'en servir à défaire les ennemis des Israélites (2. Mac. 15.). Un Ange apparut durant le sommeil à saint Joseph époux de la sainte Vierge pour lui ôter la crainte qu'il avait de demeurer avec elle (Mat. 2.) ; et ce fut encore dans le sommeil que l'Ange l'avertit de se retirer en Égypte avec l'enfant Jésus, et de revenir dans la Judée après la mort d'Hérode. Ce fut encore dans le sommeil que les : Mages furent avertis de ne point retourner vers le même Hérode (Ibid.) Il n'est donc permis à personne de douter que Dieu n'envoie des songes aux hommes, quelquefois intelligibles et clairs, quelquefois obscurs et remplis d'énigmes, mais toujours vrais. Ou Dieu élève l'âme par ces songes à quelque connaissance surnaturelle, ou il instruit de ce qu'on doit faire, ou il avertit de ce qui doit arriver, en imprimant dans l'imagination les formes et les ressemblances des choses soit immédiatement par lui-même, soit par le ministère des Anges.
Satan a aussi ses prophètes et ceux à qui il communique ses songes. Il remue leur imagination et y représente beaucoup de choses. Il révèle quelquefois des choses cachées, remplissant l'âme de superstitions qui l'affligent, et la trompant par de pernicieuses illusions. La raison de ce pouvoir des malins esprits est, selon saint Thomas, qu'ils connaissent par leur naturelle pénétration des choses éloignées de la connaissance des hommes, lesquelles ils peuvent leur révéler. Car une intelligence d'un ordre supérieur peut sans doute connaître des choses qui sont ignorées par une intelligence d'un ordre inférieur. Or non-seulement l'intelligence de Dieu, mais l'intelligence même des Anges soit bons, soit mauvais, est supérieure à l'entendement de l'homme. D'où il arrive que quelquefois les démons découvrent aux hommes des choses cachées, non pas en éclairant leur entendement, mais en remuant leur imagination ; non pas en prédisant l'avenir, ce qui n'est propre qu'à Dieu, mais en montrant des effets naturels qui doivent nécessairement venir de certaines causes, avant qu'ils arrivent. Ils peuvent aussi découvrir dans des songes ce qu'ils feront après. Et c'était par ces sortes de songes que les démons qui faisaient leur demeure dans le temple d'Esculape, avaient accoutumé de tromper les malades qui s'attendaient d'y recevoir par ces sortes de songes la révélation des remèdes qui les devaient rétablir en santé.

Les songes sont quelquefois clairs comme le furent ceux d'Abimélech, de Laban, de saint Joseph, époux de la sainte Vierge, et des trois Mages. Ils sont quelquefois obscurs et embarrassés, comme le furent les songes de Pharaon, de Nabuchodonosor et de Daniel.
Quant aux songes produits par les démons, on n'a pas sujet de s'étonner qu'ils soient énigmatiques et ambigus. Car comme ces esprits n'ont pas une connaissance certaine de l'avenir, s'ils excitent quelque mouvement dans l'imagination, ou s'ils révèlent quelque chose de caché, ils ont accoutumé de l'envelopper de paroles embarrassées et de choses obscures qui se peuvent prendre en des sens divers et même contraires, afin que si l'événement ne se rapporte point au songe et à la révélation, on l'attribue à l'ignorance de l'interprète. Mais les songes qui ont Dieu pour auteur ne sont difficiles ou obscurs que parce que les choses qui sont manifestées dans ces songes sont trop relevées, ou parce qu'on n'en doit demander l'explication qu'à Dieu ou à de saints hommes, ou parce que Dieu veut en tenir l'intelligence cachée jusqu'à ce qu'on en reconnaisse la vérité par l'événement. Car, comme dit fort bien Tertullien (De animâ. c. 57.), ces songes ne sont pas vrais à cause qu'on en voit clairement la vérité, mais à cause qu'ils s'accomplissent. Il faut reconnaître la fidélité des songes, ajoute cet auteur, par leur effet, et non par la clarté avec laquelle on voit ce qu'ils contiennent. C'est, comme dit saint Chrpsostôme (Hom. 29. in 1. ad Cor. paulo post init.), ainsi que la Prophétie qui ne fait pas connaître combien elle est véritable dans le temps qu'on la dit, mais dans le temps qu'on voit arriver ce qu'elle annonce.
La Sainte Ecriture nous met en garde contre les augures, les songes : Vous n'aurez point recours aux augures, et vous n'observerez point les songes. Il ne se trouvera personne parmi vous qui observe les songes dit le Seigneur dans le Lévitique (Levit. 19. 26.) » et dans le Deutéronome (Deut. 18. 10.). Les songes, dit le Sage (Eccle. 5. 2.), sont suivis de beaucoup de soins et d'inquiétudes. Et voici comme il en parle encore : Ceux qui manquent de prudence et de sagesse élèvent les songes. Celui qui fait attention à des visions fausses, est comme celui qui veut embrasser une ombre, et qui poursuit le vent (Eccli. 34. 1 et 2.). Les prédictions d'erreur et les songes des méchants ne sont que vanité. N'appliquez point votre coeur aux songes, si ce n'est une visite envoyée du Très-Haut. Car les songes en font tomber plusieurs dans l'erreur (Ibid. v. 5, 6 et 7.). Il faut aussi observer que les songes envoyés de Dieu, principalement ceux qui prédisent l'avenir, sont très rares, et n'ont accoutumé d'être envoyés que pour quelque grand sujet qui regarde l'utilité publique ; et leur signification dépendent seulement du dessin et de la volonté de Dieu, c'est par lui seulement qu'on la peut connaître. Car, comme enseigne l'Apôtre, nul ne connaît ce qui est de Dieu que l'esprit de Dieu (1. Cor. 2. 11.). C'est lui qui révèle ce qui est profond et caché, et qui connaît les choses enveloppées de ténèbres ; et la lumière est avec lui (Dan. 2. 22.).
En ce qui concerne les révélations. Il faut souligner que celles qui viennent de Satan, sont accompagnées de beaucoup de discours et de raisonnements pour persuader qu'elles sont véritables. Elles inspirent ainsi un très grand désir de les répandre et de les publier. Mais quand elles sont véritablement de Dieu, celui qui les reçoit, les cache sous le silence, et ne les découvre que fort humblement à son seul confesseur, dont il croit et suit les avis sans se rien attribuer, et sans rien discerner ni rien décider de ce qui se passe en lui. Nous lisons que de saints hommes n'ont jamais découvert leurs révélations aux autres, si la charité ne le demandait, ou si le commandement du supérieur ne les pressait de le faire.
Lorsque Dieu révèle quelque chose, il ne parle point d'une manière humaine, en disant les paroles les unes après les autres ; mais il fait entendre en un moment tout à la fois plusieurs pensées, tout de même que lorsque des gens experts à compter paient des sommes, ils ne comptent pas les espèces les unes après les autres, mais ils en jettent sur une table plusieurs à la fois.
Il faut examiner quel est l'abord de la révélation ; si elle cause de l'émotion et du trouble ; si elle fait agir avec ardeur et avec inquiétude, ou si elle arrive paisiblement et tranquillement ; si elle donne de la joie au commencement qui se convertisse aussitôt en tristesse, ou si elle donne plutôt au commencement de l'horreur qui se dissipe peu à peu, et qui se termine en joie : car l'un est l'effet d'une révélation vraie, et l'autre d'une fausse.
La lumière que Dieu répand dans l'âme doit faire connaître la certitude de ses révélations et des choses qu'il révèle, tout de même que la lumière naturelle fait connaître les premiers principes des sciences dont on tire des conclusions.
Les révélations véritables et divines font toujours faire plus de progrès à l'âme dans la connaissance de la vérité et dans la doctrine et la science des Saint. C'est pourquoi il faut observer si les paroles d'un homme après la révélation ressentent une sagesse céleste, ou cette sagesse terrestre qui est une folie devant Dieu. Car il est écrit dans la parole de Dieu (Eccli. 27. 7.) : Comme le fruit d'un arbre montre quel soin l'on a eu de le cultiver, ainsi la parole produite par la pensée montre quel est le coeur de l'homme. Ne loues point un homme avant qu'il ait parlé, car c'est par la parole qu'on l'éprouve. La bouche parle de l'abondance du coeur ; et un homme de bien tire de bonnes choses du bon trésor de son coeur, et un méchant en tire de mauvaises de son mauvais trésor (Mat. 12. 34. 35.)

Conclusion

Le discernement des esprits est un ministère difficile et compliqué, mais un ministère nécessaire. Ce ministère devient dangereux pour les âmes si ceux qui l’exercent ne sont pas permanemment greffés sur Dieu et illuminés par son Esprit Saint.

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